La Vraie Science

Si la noble Société des Mages de France (généralement appelée "la Société" par les initiés) ne peut pas faire condamner tous les charlatans, elle peut au moins organiser entre une coopération fructueuse entre les magiciens de bonne réputation. Elle organise des colloques (secrets), des correspondances (très privées) et des filières permettant de se procurer toute sorte d'objets (occultes). Elle fournit aussi l'occasion pour les hommes se piquant de magie de se frotter à de vrais sorciers, capables de tours simples comme de grands rituels. En somme, la Société est l'institution française de référence pour l'étude de ce que les profanes appellent encore "Magie" et est reconnue comme telle par les plus hauts dignitaires du gouvernement.

Mais qu'est-ce que la Science ? C'est avant tout le talent de manier les symbole, de relier le signifiant à son signifié, le drapeau au pays, la carte au territoire, le portrait au sujet, le nom à l'être :

  • le semblable appelle le semblable Tout symbole peut influencer ce qu'il représente et inversement. Une figurine de cire peut être utilisée pour cibler la personne qu’elle représente. Une constellation a un impact sur les personnes nées durant son zodiaque. Une signature peut représenter la personne l’ayant écrite.

  • le contact spirituel survit à l’éloignement physique Ce qui une fois a été un, reste lié. Des cheveux ou du sang d’une personne peuvent permettre de lui lancer un sort, de l’influencer. Une mère qui retrouve son enfant le reconnaît immédiatement. L’amoureux sent que sa belle est en danger.

C'est aussi la possibilité d'en appeler à la réalité derrière les symboles que perçoivent nos sens : les Fées derrière le bosquet, l'esprit derrière le corps, le Seigneur derrière la croix.

Tout mage digne de ce titre peut facilement faire un tour pour influencer une chose de son envergure : une personne, un animal, un objet. Pour marquer une multitude ou des choses plus grandes il faut par contre un rituel, une oeuvre de magie collective qui après moult préparatifs peut changer la face du monde.

Nicolas cherchait discrètement dans sa poche de quoi se tirer des griffes de cette bande. Alors qu'ils se rapprochaient, les poignards bien en vue, il mit la main sur une aiguille que sa gouvernante avait laissé dans la doublure de son manteau. Sans attendre il la plongea dans la flamme de sa lanterne et murmura le nom de Mars-qui-gouverne-les-fers. Les malandrins lâchèrent immédiatement leurs couteaux, jurant et crachant sur leurs paumes brûlées.

Albert finissait de préparer son onguent avec une fiole de sang de sa mère. Puis il enduisit lentement le corps mort de sa soeur, psalmodiant une pière à Pluton-qui-garde-les-morts. Enfin il colla ses lèvres à celles bleuies du cadavre et fit entrer le mot de Vie en elle. Elle cligna des yeux et cria en retour, comme un bébé qui vient de naître à nouveau.

Michel leva la main droite, figurant de ses doigts la posture du juge, hiératique sur sa chaise haute et le marteau à la main. Il serrait de la main gauche la lettre de convocation signée de l'homme de loi. Quand il fut sûr de son emprise, il murmura "non coupable" et abaissa son auriculaire d'un coup sec. Le juge l'innocenta d'une voix comme faussée par l'émotion et abatit son marteau d'un geste que certains trouvèrent erratique.

Jean tournait depuis presque trois longues heures autour du rocher d'Essé. Laisser goutter tout ce temps le sang de son engagement l'avait épuisé et il espérait que ce tour fonctionnerait. Il chut lourdement, corps et consicence s'abîmant sur l'ancien tertre. Quand il se réveilla, un gentilhomme d'allure étrange, les cheveux coiffés comme un chardon argenté, les vêtements richements garnis de pierreries et de perles mais datés, le regardait de haut. Il lui tendit la main, Jean la serra sans hésiter : il avait trop sacrifié, trop espéré, pour renoncer maintenant.

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